Conformément aux exigences de l’esthétisme le plus pur, Oscar Wilde aurait tenu ces propos « On doit être une œuvre d’art ou porter une œuvre d’art » ce qui n’est pas étonnant pour un homme qui portait toujours des tenues très travaillées et qui, le premier sans doute, et cela jusqu’à la fin de sa vie, se comporta avec une véritable attitude de dandy. Même si ses contemporains le virent porter un tournesol en boutonnière du temps de sa « première période » il faisait passer l’esthétisme avant toute chose.
Un de ses portraits, une photographie de Napoléon Sarony en 1883, a été au centre d’un procès qui fit reconnaitre la photographie comme une œuvre d’art et depuis lors cette technique bénéficie de droits : de copyright et des droits d’auteur.
Cette photographie de Wilde prise lors de son premier séjour américain, séjour durant lequel il dispensa une série de conférences visant à familiariser le public américain aux ressorts de l’esthétisme britannique, a été au cœur d’un procès qui amènera Sarony à aller en justice pour faire reconnaître ses droits d’auteur. L’histoire est étonnante, la société Burrow-Giles Lithographic Company avait reproduit 85.000 exemplaires d’une photographie de Wilde pour en faire des « réclames » des publicités, sans l’accord de l’auteur de l’image.
Le photographe parvint à démontrer le statut d’œuvre d’art de son travail alors que Burrow-Giles Lithographic Company arguait qu’il ne s’agissait là que d’une simple reproduction mécanique de la réalité. La démonstration résida à démontrer l’importance de la valorisation de son travail scénographique, de la mise en œuvre esthétique du décor, du travail sur la lumière. Il obtient la protection de ses droits d’auteur et, dans la foulée, fit passer la photographie, juridiquement, au rang d’œuvre d’art. Oscar Wilde devenant ainsi une œuvre d’art au terme d’un procès au retentissement considérable, événements dans lesquels il continuera de se distinguer avec la fin tragique qu’on lui connait.
Pourquoi cette histoire comme premier article? parce que je n’ai jamais réussi à marquer intellectuellement la nuance et la différence entre l’art et l’artisanat, parce que l’art est partout ou on le cherche. Parce que l’esthétisme est trop souvent entre les mains d’experts et de personnes qui se sentent obligés de contraindre, de réduire, de délimiter.
Je voulais un espace ou il était possible de tout mélanger et sur lequel il est possible de tout aborder avec la légèreté d’un esthète. Chercher loin dans le passé des formes d’esthétisme industrialisées me semble donc être une piste, une première direction pour la trajectoire de ce blog. Et puis comme aujourd’hui la fin du XIXe siècle se partageait, d’une part, entre la foi dans la science et la modernité ; d’autre part, l’anxiété, le pessimisme devant des valeurs remises en cause par le matérialisme. Le culte de la beauté pour elle-même a semblé à certains une issue. L’esthétisme littéraire, le décadentisme, voire le symbolisme, sont des recherches pour échapper à un monde qu’il est difficile de suivre, de comprendre. Chez l’esthète, la beauté se veut absolue, s’imposant comme un style de vie – un précepte à appliquer.
Cette espace devra consigner la beauté rencontrée ici et là et il devra faire place belle à l’esthétisme, personne ne lit un premier article d’un nouveau né et il termine – limbus puerorum – dans les méandres du référencement Internet, il faudra donc écrire, retranscrire, produire et raconter. D’où l’importance d’être Constant? on verra.