L’honnêteté est une folle qui s’aliène ceux qu’elle sert.
Cette phrase est de William Shakespeare issue d’Othello mais je n’aurais pas été étonné qu’elle provienne d’une chanson de Jacques Brel ou d’Aurélien Corentin .
C’est difficile de dire la vérité, d’être honnête et de s’exprimer. Sur ses sentiments particulièrement, dans ses créations également. On aime les gens honnêtes mais pas forcement ceux qui parlent vrai ; nous n’acceptons pas qu’ils expriment leur vérité ou leurs sentiments si ils ne sont pas aligné avec la bienséance de l’époque ou notre vérité à nous. On ne devrait pas juger les mots mais les intentions, laisse les artistes s’exprimer sans les juger, sans leur prêter les pensés de ce qu’ils expriment.
On peut être scandaleux ou vulgaire selon une époque, Jacques Brel disait à ce sujet : « On me reproche souvent d’être vulgaire. D’utiliser des mots vulgaires. Mais « pisser », c’est un mot français. (…) Ce n’est pas vulgaire du tout non plus. Ce qui est vulgaire, c’est deux jeunes gens qui s’aiment, et puis le père de la jeune fille va trouver le père du jeune homme en disant : combien votre fils gagne par mois. Je trouve ça d’une vulgarité abominable. »
La « vulgarité » est ce qui caractérise le langage et le comportement du bas peuple (Vulgus en Latin) et c’est un des reproches également fait à Orelsan qui a eu l’honneur de voir l’ensemble de la classe politique s’exprimer sur une de ses création : Sale Pute.
Le texte témoigne d’une déception amoureuse – de manière brutale et imagée – mais d’une manière pas si éloignée de l’oeuvre de Shakespeare à une autre époque ; la pièce Othello mêle ruses, traîtrise, jalousie et amour. Dans une des scènes, le personnage de Shakespeare ne cessera de ressasser devant le cadavre de sa femme morte : « Elle était une putain […] Elle était fausse comme l’eau […] Elle était infâme… ». Autre temps, même ressentiment, même expression.
Orelsan est marqué par ce début de carrière et il doit encore se justifier aujourd’hui sur ses intentions, dans chaque interview que vous trouverez sur lui on lui parle de cette « affaire » et c’est dommage parce qu’un artiste ne se résume pas à une œuvre. Ses albums sont bons, ses textes sont bien écrits. C’est un gros bosseur et son film est vraiment excellent. Il disait à l’époque de l’affaire « C’est du pur clientélisme au tribunal, personne n’avait vraiment entendu la chanson. » et je suis certain que beaucoup sont passés à coté de ses créations plus récentes pour les mêmes raisons.
J’ai découvert ce chanteur grâce à ce titre il y a quelques années :
Brel disait que l’artiste compense : « On raconte ce que l’on rate, on raconte ce qu’on n’arrive pas à faire. C’est un phénomène de compensation. Et j’ai voulu réussir ce phénomène de compensation. Et j’ai dû travailler beaucoup pour cela, bien évidemment.»
C’est exactement le thème du film « Comment c’est loin » raconte ce que les personnages ratent, ce qu’ils n’arrivent pas à faire :
Orelsan devrait sortir un nouvel album prochainement, idem pour Gringe (ils sont disque de platine pour la BO de « Comment c’est loin ») et je suis impatient de découvrir leur travail respectif. Pour boucler la boucle, une dernier morceau choisi d’une interview de Brel en 1971 : « Je suis convaincu d’une chose : le talent, cela n’existe pas. Le talent, c’est avoir l’envie de faire quelque chose.(…) Et tout le reste, c’est de la sueur. C’est de la transpiration, c’est de la discipline. Je suis sûr de cela. L’art, moi, je ne sais pas ce que c’est. Les artistes, je ne connais pas. Je crois qu’il y a des gens qui travaillent à quelque chose et qui travaillent avec une grande énergie. L’accident de la nature, je n’y crois pas. Pratiquement pas. » moi non plus, laissons les travailler.