Aimer est le grand point, qu’importe la maîtresse? Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.
Alfred de Musset était un écrivain romantique qui apporta beaucoup à l’art dramatique, il aimait l’oisiveté et les choses de l’amour et n’avait que dix-neuf ans lorsqu’il publia avec succès son premier recueil. Il menait alors une existence de Dandy et ses débauches répétées dans la société des demi-mondaines parisiennes le feront remarquer. Il en gardera de bons souvenirs et une syphilis.
Il a écrit une vingtaine de pièces de théâtre avec des échecs retentissants pour certaines d’entre elles et quelques succès. Il était poète et c’est dans la littérature romantique et dans ses relations épistolaires qu’il a excellé, il était d’une sensibilité extrême.
Après ses 30 ans il deviendra dépressif et alcoolique, il finira par mourir de la tuberculose le 2 mai 1857 à 46 ans. Ce qui est bien trop jeune vous en conviendrez. Mais après tout, si l’on en croit Napoléon ; Les hommes de génie sont des météores destinés à brûler pour éclairer leur siècle.
Cette introduction pour rendre hommage à une figure du romantisme? pas tout à fait. Un excellent prétexte pour pour parler du flacon et de l’ivresse. Plus précisément pour parler de quelques flacons réalisés par une agence spécialisée dans la conception et la fabrication de packaging pour des boissons alcoolisées. Pas très poétique de prime abord mais quand même un peu théâtral.
La citation d’introduction provient du poème : La coupe et les lèvres
L’amour est tout, — l’amour, et la vie au soleil.
Aimer est le grand point, qu’importe la maîtresse ?
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ?
Faites-vous de ce monde un songe sans réveil.
Stranger & Stranger est une agence redoutablement efficace pour esthétiser des produits de grandes consommations, le concept réside principalement dans le fait de travailler sur le vécu et les codes des univers liés aux marques pour lesquels ils travaillent et ainsi de créer des surfaces de projection et des représentations de « déjà vu » . Ils excellent dans l’art de travailler le « sensualisme » cette doctrine qui affirme que les sensations sont à l’origine de toutes nos connaissances.
Stranger & Stranger existe depuis 1994, ils imaginent des produits et des marques, des histoires, des univers. C’est de l’art au niveau graphique. C’est du business aussi, la démarche est essentiellement marketing et exempte de romantisme : Ils définissent des niches, des stratégies de marque, des noms, ils créaient des bouteilles sur mesure, des étiquettes, des paquets, des plateformes de marketing et des garanties. Sur leur site on découvre qu’ils étiquettent : « environ un milliard d’unités par an dans l’un des marchés les plus difficiles, allant du vin de supermarché à faible coût aux meilleurs spiritueux haut de gamme, nous ajoutons de la valeur, augmentons toujours les ventes et ajoutons un énorme ROI avec nos créations. »
Les créations jouent avec les codes des spiritueux, les codes graphiques laissent penser que ces marques sont ancestrales ; par exemple, le Don Papa est né en 2012, mais la richesse graphique et les codes utilisés laisse penser qu’il est porteur d’un héritage centenaire. Les processus cognitifs sont intelligents et précis : à la première seconde on imagine « une histoire » grâce au traitement discursif (qui correspond au traitement par imagerie non verbal) mais aussi par l’encodage d’informations sous la forme de représentations concrètes, imaginaires et sensorielles induites : Kraken/pieuvre/pirate/rhum.
Le graphisme est léché et d’une grande finesse, les typographies magnifiques et toujours dans les codes. La catégorisation mentale est parfaite et la démarche expérientielle maitrisée de bout en bout. C’est brillant et de nombreux « best sellers » sont de leur fait : Don Papa, Kraken, Aberfeldy, East London, Absinthe et quelques autres marque qui s’imposent sur les cartes des bars et des hôtels de premier ordre.
Finalement les poètes ont changés, ils ont évolué et les belles narrations servent maintenant à vendre des produits. Les flacons changent mais peu importe, l’ivresse reste et c’est sans doute ce qui compte. Alfred aurait été d’accord.
Génial ton blog !
Olivier B.
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